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Soyez sur vos gardes : trois escroqueries téléphoniques bien ficelées vous guettent

L’utilisation de robots d’appels et de logiciels de reconnaissance vocale rend la fraude par téléphone encore plus facile.

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Un arnaqueur portant des écouteurs travaille sur deux écransLes arnaques téléphoniques n’ont rien d’une plaisanterie. Complexes et ciblées, elles exploitent des méthodes, des technologies et des personnes habitant dans des pays lointains. L’objectif : vous soutirer de l’argent, grâce à des stratagèmes de plus en plus élaborés et difficiles à déjouer. (Photo de Syda Productions/Shutterstock)

Vous souvenez-vous de l’époque où vous répondiez au téléphone... et qu’un petit farceur vous raccrochait au nez? Agaçant, certes, mais sans plus.

Les temps ont bien changé. De nos jours, ces appels n’ont plus rien d’une plaisanterie. Les arnaques téléphoniques, complexes et ciblées, exploitent des méthodes, des technologies et des personnes habitant dans des pays lointains (pensons à l’escroquerie touchant l’Agence du revenu du Canada, dont l’origine se situe en Inde). L’objectif est clair : vous soutirer de l’argent. Et ces stratagèmes sont de plus en plus élaborés et difficiles à déjouer.

Quelques cas se sont rendus jusqu’aux tribunaux. Ainsi, dernièrement, un homme à la tête d’une importante fraude par téléphone, menée à partir de la Jamaïque, a été condamné aux États-Unis à 6 ans de prison et à une amende de 1,5 M$ US. D’après le FBI, Lavrick Willocks aurait fait des centaines de victimes, dont des citoyens canadiens et de nombreuses personnes âgées [lire : Âgés, naïfs... et honteux]. Convaincues qu’elles avaient remporté un gros lot de plusieurs millions de dollars, les victimes ont payé des « frais de gestion » par virement... et n’ont jamais vu la couleur de leur lot.

Le Centre antifraude du Canada (CAFC) s’y connaît en la matière : en 2017 seulement, il a reçu quelque 22 000 plaintes portant sur des fraudes téléphoniques représentant plus de 21 millions de dollars selon les pertes déclarées par les victimes. C’est une hausse de 33 % depuis 2015. Mais les vrais chiffres sont probablement plus élevés puisque le CAFC estime que seules 5 % des victimes de fraude par marketing de masse portent plainte [lire : Les 5 arnaques à l’origine des plus importantes pertes financières de la dernière année].

« D’où que soit menée l’opération, l’important est d’être à l’affût des nouvelles supercheries, explique Guy Paul Larocque, sergent à la GRC et agent responsable intérimaire au CAFC. Plus vous serez informé, plus vous résisterez à la tentation de donner suite à la demande qui vous est faite. L’information est le meilleur moyen de combattre ce fléau. »

Comment vous protéger? Commencez par lire ce qui suit.

STRATAGÈME : VOUS M’ENTENDEZ BIEN?

Un soi-disant fournisseur de services (téléphone, électricité, prêts hypothécaires, etc.) vous appelle et demande, après quelques secondes de conversation, « Vous m’entendez bien? ». Il enregistre votre réponse (Oui), puis raccroche. Bingo! L’escroc a obtenu ce qu’il voulait : une signature vocale qu’il utilisera pour porter par téléphone des frais à votre compte personnel, notamment de carte de crédit, grâce à un système d’authentification vocale. (Malheureusement, le fraudeur aura sans doute déjà en main divers renseignements personnels comme vos numéros de compte bancaire ou de carte de crédit, utilisés par le système pour autoriser les frais.)

La reconnaissance de la parole peut aussi faciliter le « cramming ». Ce type de fraude se produit lorsqu’une compagnie de téléphone permet à des fournisseurs tiers de porter des frais au compte de ses clients. Le numéro de téléphone des victimes est en quelque sorte traité comme une carte de crédit ou de débit par le faux fournisseur. Les frais imputés sont habituellement maquillés en frais additionnels associés à des fonctions de téléphonie mobile ou à des services d’horoscope, par exemple. Pour les fraudeurs, la manœuvre est aussi simple que de choisir un numéro de téléphone dans un annuaire.

De l’avis des experts, le recours aux empreintes vocales par les arnaqueurs risque d’augmenter au fur et à mesure que seront adoptés des logiciels de biométrie utilisant les caractéristiques vocales d’un locuteur à des fins d’identification.

« Exploiter les technologies dans le seul but de répondre à la demande des consommateurs n’est pas une bonne idée », affirme Arash Habibi Lashkari, professeur adjoint et coordonnateur de R et D à l’Institut canadien sur la cybersécurité de la Faculté d’informatique de l’Université du Nouveau-Brunswick. « Il faut aussi réfléchir aux problèmes de sécurité potentiels, un risque non négligeable. » [lire : Lorsqu’on opte pour l’IA, il faut avant tout protéger la vie privée du client, insiste Chantal Bernier]

Conseils pour déjouer ce stratagème

  • Ne répondez pas aux appels provenant d’un numéro que vous n’êtes pas absolument certain de connaître. Laissez la messagerie vocale s’en charger.
  • Si vous prenez l’appel et que vous ne connaissez pas l’appelant, ne répondez pas par « Oui » aux questions posées (« Vous êtes bien Madame XYZ? »), que ce soit par une véritable personne ou par un système automatisé. Raccrochez ou demandez plutôt qui est au bout du fil. Si vous poursuivez la conversation, soyez sur vos gardes et, surtout, ne fournissez aucun renseignement personnel.
  • Examinez attentivement vos factures et relevés de compte pour vous assurer qu’aucuns frais suspects n’y sont inscrits.

STRATAGÈME : RÉPONDEZ-MOI...

Cette fois, un fraudeur (qui peut se trouver n’importe où dans le monde) choisit à l’aide d’un robot d’appels un numéro local, qui vous semblera familier, pour augmenter les chances que vous répondiez. Une fois la communication établie, il essaiera de vous soutirer de l’argent et des renseignements personnels. En outre, s’il réussit, il notera votre numéro de téléphone... pour tenter de nouveau sa chance à une autre occasion.

Parfois, la victime est priée d’attendre quelques secondes, puis est mise en communication avec un « agent » (une vraie personne, cette fois-ci) qui se fait passer pour un avocat ou un fonctionnaire et exige un paiement quelconque. Dans d’autres cas, un représentant d’une banque offre un taux d’intérêt avantageux sur une carte de crédit ou un emprunt hypothécaire et demande, bien entendu, divers renseignements personnels pour remplir la demande.

La technologie sous-jacente aux robots complique de plus en plus la recherche de l’origine d’un appel, qui transite par plusieurs fournisseurs et réseaux. Le numéro de téléphone utilisé pour appeler change même à chaque appel.

« Comme le numéro de téléphone de l’appelant s’affiche à l’écran, l’escroc prend soin d’employer des numéros locaux. Et il fait de même avec les adresses de courriel, souligne Arash Habibi Lashkari. D’ailleurs, les cybercriminels s’entendent comme larrons en foire. La collaboration est très fructueuse dans leur secteur d’activité. »

Conseils pour déjouer ce stratagème

  • Ne répondez pas aux appels provenant d’un numéro que vous n’êtes pas absolument certain de connaître. Laissez la messagerie vocale s’en charger.
  • Inscrivez votre numéro de téléphone sur la liste nationale de numéros de télécommunication exclus pour réduire le nombre d’appels importuns, notamment par les entreprises de télémarketing. Puis, bloquez tout numéro suspect sur votre téléphone (voir les instructions fournies par RogersBellTelus). Enfin, utilisez une application de blocage des appels automatisés comme NomoroboHiyaRoboKillerTruecaller
  • Si un message enregistré vous demande d’appuyer sur une touche ou vous invite à faire un choix dans un menu, n’en faites rien et raccrochez immédiatement.
  • Ne donnez jamais de renseignements personnels au téléphone, que ce soit à une personne ou à une machine. Pas même vos nom et prénom ni votre adresse complète... et encore moins vos informations bancaires.

STRATAGÈME : RAPPELEZ-MOI...

Un autre cas : un arnaqueur choisit un numéro local que vous croirez reconnaître, vous appelle de ce numéro, laisse sonner une ou deux fois, puis raccroche... Il espère que, piqué par la curiosité, vous allez rappeler. Ce que vous ignorez, c’est que le numéro en question est en fait un numéro interurbain et que les frais connexes seront portés à votre compte de téléphone. Et on parle ici, dans certains cas, de centaines de dollars par minute. Ces frais apparaîtront sur votre relevé sous la rubrique des services mobiles à supplément.

  • Ne répondez pas aux appels provenant d’un numéro que vous n’êtes pas absolument certain de connaître. Laissez la messagerie vocale s’en charger.
  • Si vous soupçonnez une manœuvre frauduleuse, bloquez le numéro (voir ci-dessus), puis rapportez l’incident aux autorités.

Pour vous protéger, consultez régulièrement la liste des stratagèmes d’hameçonnage établie par le CAFC. De plus, si vous êtes la cible d’un appel frauduleux, ou croyez en avoir été victime, notez immédiatement le numéro de téléphone, des détails sur ce qu’on vous a demandé, les renseignements que vous avez fournis et le montant que vous avez versé, le cas échéant. Signalez ensuite immédiatement l’incident au CAFC ainsi qu’à votre institution financière et à votre fournisseur de services, au besoin.

POUR EN SAVOIR PLUS

Le saviez-vous? La crainte du vol d’identité s’accroît au sein de la population canadienne selon une enquête de CPA Canada réalisée en 2018. Par ailleurs, pour en savoir plus sur la protection de vos données personnelles, consultez notre guide Votre argent et vous : Comment vous protéger contre la fraude et l’usurpation d’identité.