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Combler l’écart salarial entre les sexes : la contribution des CPA

Trois CPA donnent leur point de vue sur la persistance de l’écart salarial entre les sexes au Canada et la façon dont la profession peut y remédier.

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Une jeune femme d'affaires assise dans un bureauEn plus d’être moins bien rémunérées que leurs homologues masculins, les femmes sont sous-représentées dans les échelons salariaux supérieurs. (Getty/ Noel Hendrickson)

Malgré les progrès réalisés ces dernières années, l’écart salarial entre les sexes persiste. Des recherches démontrent que les femmes travaillant à temps plein et à temps partiel au Canada continuent de gagner moins que leurs homologues masculins. Les CPA Jenny Okonkwo, Janine Rogan et Nancy Wilson nous livrent leur perspective sur l’écart salarial entre les sexes en soulignant les progrès réalisés, mais aussi les obstacles à surmonter et les changements à apporter.

Jenny Okonkwo, CPA, est fondatrice et ancienne présidente du Black Female Accountants Network (BFAN), un réseau professionnel national primé comptant plus de 1 500 membres. Sa priorité est de favoriser l’avancement professionnel de ses membres en leur permettant de développer leurs compétences, de cerner les occasions et de peaufiner leurs aptitudes en leadership.

Janine Rogan, CPA, est auteure de l’ouvrage intitulé The Pink Tax et fondatrice et chef de la direction de The Wealth Building Academy Inc., dont la mission consiste à éduquer les femmes et à les aider à prospérer. Elle a notamment donné une allocution à la conférence Mastering Money 2023 de CPA Canada.

Nancy Wilson, CPA, est fondatrice et chef de la direction de la Chambre de commerce des femmes canadiennes, la première chambre de commerce du pays à soutenir les entrepreneures, les leaders et les propriétaires d’entreprises qui s’identifient comme des femmes ou des personnes non binaires.

ÉCART SALATHERIAL : PORTRAIT DE LA SITUATION

Commençons par les bonnes nouvelles : l’écart salarial entre les sexes diminue, et ce, dans tous les groupes de femmes, notamment ceux où l’écart est le plus important. La main-d’œuvre canadienne n’a jamais compté autant de femmes, le nombre de femmes qui obtiennent un diplôme d’études postsecondaires est en hausse et le nombre d’entreprises détenues par des femmes augmente.

« Malgré les effets dévastateurs de la pandémie, 18 % de toutes les entreprises appartiennent majoritairement à des femmes au Canada », affirme Jenny Okonkwo.

Toutefois, il reste un long chemin à parcourir; en effet, une femme touche en moyenne 89 cents pour chaque dollar empoché par un homme.

« Nous avons réalisé des progrès au fil des ans, mais un écart de 11 % persiste, précise Nancy Wilson. Bien sûr, il s’agit d’une moyenne. L’écart est certainement plus important chez les personnes racisées, non binaires, transgenres et handicapées. »

En effet, une femme racisée touche 67 cents, une femme autochtone, 65 cents, et une femme handicapée, 54 cents, pour chaque dollar gagné par un homme. La lenteur des progrès est consternante.

« Nous devons adopter une perspective intersectionnelle, explique Jenny Okonkwo. Les recherches démontrent que l’écart peut s’avérer encore plus considérable pour les femmes aux identités croisées. »

QUE SIGNIFIE CET ÉCART?

Qu’il s’agisse de prendre soin de leurs enfants ou de leurs parents âgés, les femmes font plus que leur part à la maison, ce qui ralentit leur carrière et la croissance de leur revenu.

« La maternité à un prix pour les femmes : elles sont moins bien rémunérées ou passent à côté de certaines occasions, soutient Janine Rogan. Dans le monde du travail, les femmes sont souvent perçues comme étant moins ambitieuses, parce qu’elles ont des enfants. »

Parmi les autres facteurs pouvant contribuer à cette situation, mentionnons les longues interruptions de carrière, un écart de rémunération plus grand entre les mères célibataires et les mères mariées ainsi que les préjugés liés à l’embauche. Les femmes sont deux fois plus susceptibles de travailler à temps partiel, souvent en raison de leurs responsabilités familiales, ce qui contribue à l’écart salarial entre les sexes. Selon Nancy Wilson, il faut aussi tenir compte de la sous-représentation des femmes dans la haute direction.

« L’écart salarial est considérable, notamment lorsque les primes de fin d’exercice et le partage des bénéfices entrent en ligne de compte, ajoute-t-elle. Lorsqu’on prend en considération ces autres modes de rémunération, les femmes gagnent environ 43 % de moins que les hommes. »

La discrimination persiste, soutient Janine Rogan. En effet, certains gestionnaires présument qu’une femme partira inéluctablement en congé de maternité et, par conséquent, hésitent à l’embaucher ou à lui accorder une promotion. Il arrive aussi qu’on les ignore purement et simplement.

« Plus tôt dans ma carrière, on a ignoré ma candidature pour une promotion à trois occasions : juste avant, pendant et au retour d’un congé de maternité », poursuit Janine Rogan.

Le manque de diversité dans les postes de direction contribue à maintenir l’écart salarial et à freiner l’avancement professionnel pour les femmes provenant de groupes racisés.

« Selon des enquêtes menées par McKinsey, le parrainage de femmes issues de groupes sous-représentés est insuffisant, déclare Jenny Okonkwo. Or, le parrainage est un facteur essentiel à l’avancement professionnel, car il vous permet de bénéficier du soutien nécessaire quand vous en avez besoin. »

Les stéréotypes liés au sexe et au leadership alimentent aussi les inégalités. Souvent, un dirigeant qui s’affirme est louangé, tandis qu’une dirigeante est considérée comme autoritaire, agressive ou antipathique, ce qui l’expose à une réaction hostile. Certains employeurs peuvent pénaliser les personnes qui agissent en dehors des normes propres à leur sexe. Par exemple, les dirigeantes sont souvent perçues comme « difficiles » lorsqu’elles remettent en question les normes. Or, cette étiquette peut leur être accolée très tôt, par exemple dès l’étape de la négociation salariale.

« Une femme peut difficilement négocier avec confiance une hausse salariale, croit Nancy Wilson. En effet, elle est susceptible de faire face à de la résistance, ce qui pourrait mener à son exclusion, voire à son congédiement. »

LES OBSTACLES PROPRES À L’ENTREPREUNARIAT

La création d’une entreprise peut prendre des airs de véritable parcours de la combattante pour les entrepreneures.

« L’accès aux capitaux est sans contredit le plus grand défi, affirme Janine Rogan. À l’échelle mondiale, le pourcentage d’entreprises en démarrage dirigées par des femmes qui ont accès à du capital de risque est de 2,3 %. Malheureusement, les entreprises dirigées par des femmes sont perçues comme étant risquées ou prises moins au sérieux. »

Jenny Okonkwo souligne que le financement des entreprises détenues par des hommes est en moyenne 150 % plus élevé que celui des entreprises détenues par des femmes. Par ailleurs, les défis sont encore plus grands pour les femmes ayant des identités croisées.

« Les difficultés auxquelles font face certaines travailleuses appartenant à des groupes sous-représentés peuvent aussi être rencontrées par les entrepreneures, explique Jenny Okonkwo. Selon une recherche menée par le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE) et publiée en 2023, les femmes autochtones éprouvent des difficultés d’accès aux services financiers en raison de l’exclusion systémique. Les entrepreneures noires ont aussi du mal à obtenir du financement ou un emprunt en raison du racisme systémique. En outre, il leur est plus difficile d’avoir accès à des possibilités de réseautage, de mentorat et de formation. »

Les préjugés sexistes peuvent également avoir une incidence sur le traitement et la perception des entrepreneures, ce qui est susceptible d’affecter la confiance et le soutien des investisseurs et des clients.

« En tant que femme qui détient une entreprise, mes aptitudes ont souvent été sous-estimées, explique Nancy Wilson. En discutant avec des clientes entrepreneures, j’ai découvert qu’elles vivaient exactement la même chose : courriels ignorés, offres modestes, courriels irrespectueux et incapacité d’obtenir des rendez-vous. »

COMMENT LES CPA PEUVENT CONTRIBUER À COMBLER L’ÉCART

À titre de professionnels de la gestion des finances et de conseillers financiers, les CPA peuvent jouer un rôle central dans la promotion de l’égalité financière au sein des organisations. Bien que certaines provinces, comme l’Ontario et le Québec, se soient dotées de lois sur l’équité salariale et que les employeurs du secteur public et du secteur privé sous réglementation fédérale qui comptent 10 employés ou plus soient assujettis à certaines obligations, les lois en la matière sont encore insuffisantes au Canada. Cela dit, Nancy Wilson croit que les CPA peuvent tout de même signaler les risques en attendant que la législation évolue.

« Le non-respect de l’équité salariale par un client constitue un risque légal, soutient-elle. Les CPA doivent conseiller à leurs clients de respecter l’équité salariale, ce qui est avantageux pour attirer des talents, fidéliser les employés et gérer les risques. »

La transparence peut donner de bons résultats, selon elle. En effet, celle-ci permet aux CPA de s’assurer que les femmes reçoivent une rémunération égale à celle de leurs homologues masculins. (Il est à noter qu’une loi sur la transparence salariale a été adoptée en Colombie-Britannique et déposée récemment en Ontario.)

« Les femmes sont souvent sous-payées parce qu’elles n’ont pas l’impression de pouvoir négocier la première offre qui leur est faite, explique Janine Rogan. La publication des échelles salariales permet de s’assurer que les membres du personnel sont rémunérés équitablement. »

Les CPA peuvent également vérifier si l’équité salariale est respectée au sein de l’organisation et fournir régulièrement des rapports pour lui permettre d’évaluer les écarts et d’y remédier, ce qui peut favoriser l’équité et l’inclusivité.

« Si vous siégez à un conseil, assurez-vous que les données sont incluses dans votre rapport annuel, affirme Janine Rogan. En tant que CPA, il est important de donner l’exemple pour être perçu comme un leader dans le monde des affaires. »

COMMENT LES FEMMES PEUVENT PRENDRE LEUR AVENIR FINANCIER EN MAIN

Pour aider les femmes à prendre leurs finances en main, les trois CPA proposent les conseils suivants :

  • Approfondissez vos connaissances en littératie financière : « CPA Canada présente la conférence Mastering Money, une activité annuelle très instructive à laquelle j’ai assisté », dit Jenny Okonkwo.
  • N’hésitez pas à négocier : « Tout est négociable, pas seulement votre salaire de base. Vous voulez obtenir davantage de télétravail, une prime plus élevée, une rémunération à base d’actions ou des journées de vacances supplémentaires? Négociez! », affirme Janine Rogan.
  • Renseignez-vous : « Avant de passer une entrevue, informez-vous sur la rémunération moyenne pour le poste offert. Vérifiez sur le site Glassdoor ou demandez à une personne qui occupe un poste semblable dans le même secteur », conseille-t-elle.
  • Engagez un professionnel de la gestion des finances : « En retenant les services d’un CPA, vous aurez une meilleure idée de vos finances, de vos choix et des occasions à saisir, explique Nancy Wilson. À titre de propriétaire d’entreprise, vous devez en comprendre les différents rouages, mais les CPA ont une expertise dont il est difficile de se priver. Si vous faites appel à l’un d’entre eux, vous aurez ainsi plus de temps à consacrer à votre champ de spécialité. »
  • Réseautez : Le réseautage peut vous aider à établir des contacts essentiels, à obtenir de l’aide ainsi qu’à accéder à des occasions de perfectionnement personnel et professionnel. « En plus d’avoir accès à des rabais sur des produits et services liés aux entreprises, les membres de la Chambre de commerce des femmes canadiennes font partie d’un réseau de propriétaires d’entreprises qui partagent les mêmes intérêts », affirme Nancy Wilson. « Nous offrons à nos membres des occasions d’échanger et les aidons à bâtir leur entreprise. »

LES FEMMES ET LA FINANCE : POUR ALLER PLUS LOIN

Assistez aux ateliers de littératie financière de CPA Canada à l’intention des femmes, qui visent à leur donner tous les outils nécessaires pour gérer leurs finances. Nous vous invitons également à consulter l’article intitulé Femmes et membres des groupes racisés : conseils d’expert pour mieux négocier.